Elle avait noirci l’émeraude de ses yeux, une ombre sur ses paupières qui se prêtait aux jeux amoureux qu’elle n’imaginait rien que pour eux.
Sa bouche rose tendre appelait les baisers timides qu’elle entendait accepter, du bout des lèvres d’abord, du fond du cœur ensuite.
Cette rencontre érotique, elle l’avait répétée encore et encore jusqu’à la connaître sur le bout des doigts. Elle l’avait gravée dans son dactylogramme, dans le moindre recoin de son épiderme, dans chacune de ses crêtes papillaires.
Dans son cœur de gamine, s’aimer pour la première fois, ça n’avait rien d’anecdotique. La folie d’une passion en extase se devait d’être la sublimation de deux corps qui dansent à l’unisson. Entière dans son délire poétique, elle en demandait sûrement trop mais pour elle, ménager ses attentes c’était comme mourir à petit feu, se vautrer dans une agonie molle et pâteuse.
Ce soir, la grâce des mots entrait en communion avec la désinvolture de leurs corps. Elle se sentait prête à connaître enfin la fluidité des peaux qui se touchent, le frisson des désirs qui se frôlent jusqu’au vertige. Elle voulait se donner, sans concession, absolument, avec une manie romantique qui ne souffrait aucune fausse note.
Dans la pénombre, leurs souffles se font courts sur les mêmes accords. La moiteur de la chair se fait confession au même rythme qu’abondent leurs lubriques sécrétions. L’impatience de son homme se fera bientôt sentir contre la peau tendre de ses cuisses d’adolescente. Ses joues roses irritées par sa barbe naissante garderont longtemps les sillons rouges tracés par des baisers trop appuyés.
Quand son avidité égoïste arrachera brusquement les étoffes qu’elles avaient soigneusement choisies, étudiées même, son univers entier éclatera dans une bulle de panique. Avec des mots maladroits, elle lui criera le désarroi de voir ses fantasmes se changer en cauchemar. Et c’est dans un sanglot, qu’elle demandera que cesse cette invasion brutale qui lui déchire les entrailles.
Le silence dans lequel elle s’emmurera ensuite se fera témoin de sa résignation. Ses rêves innocents sont partis sans fracas, ses râles de plaisir ont menti par omission. Sur les draps en désordre, sa pureté violée laissera un parfum répugnant, comme une odeur de sang, mêlée de sueur. Au fil des lavages, les stigmates écarlates de son corps de pucelle s’effaceront avec autant d’empressement que ses illusions volant en éclats.
Plus tard dans la nuit, quand, sortie de sa tétanie, elle commencera à mesurer l’ampleur de son ignominie, l’homme dans son lit conclura sa besogne par quelques mots acides qui finiront à jamais de gâter sa fraîcheur :
“Une bonne chose de faite.”
Oooh j’adore, j’aime…c’est court, peut-être même trop court, mais c’est suffisant pour en vouloir plus…tellement prenant, tellement bien écrit, tellement recherché, tellement…
Merci beaucoup Tina. Tu ne peux pas imaginer comme ton commentaire me fait plaisir 🙂