Un blocage pour un sauvetage

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Je n’en ai pas dormi de la nuit. Je me suis retournée dans ma couette encore et encore. Mais au matin, je savais que je devais le faire. Pour de vrai, cette fois. Pas juste comme une menace en l’air, un truc qu’on dit parce qu’on est énervé mais une décision pesée, posée, réfléchie.

Alors vers 5h du matin quand j’en ai eu marre de tergiverser avec moi-même alors qu’au fond ça fait des plombes que je sais que c’est ce que je dois faire, j’ai pianoté sur mon clavier tactile et j’ai cherché. J’ai cherché, tu vois, parce que ce n’est pas dans ma nature de faire des choses comme ça. Je n’avais jamais bloqué personne avant. Enfin si, des colporteurs, parfois, ou l’ex de mon copain, mais c’est différent ça, je n’avais rien à perdre et tout à gagner dans ces cas-là.

Avec toi c’était différent. Parce qu’avec toi tout est différent. Les sentiments déjà… les vrais, les forts, ceux qui ressemblent à s’y méprendre à un sonnet de Musset ou de Ronsard, selon l’époque qu’on préfère. J’étais là avec mes foutus sentiments qui ne voulaient pas me lâcher la grappe et qui trainent en arrière-plan dans ma caboche en me rabâchant que j’allais un jour le regretter. Ça va, je n’ai tué personne encore, mais bon quand même… J’avais un peu l’impression de tuer quelque chose, comme ça, juste par ce tout petit geste.

Alors j’ai pris mon téléphone et j’ai suivi à la lettre les indications que j’avais glané sur Internet. Tout bloquer, je ne pouvais pas, je n’étais pas encore prête. Dans la vie, il faut savoir aussi avancer prudemment à petits pas. Déjà que cette décision-là elle me pesait sur le cabochon, il ne fallait pas trop en rajouter.

Alors j’ai posé mon doigt sur le curseur, celui qui t’empêche de m’envoyer des messages. J’ai hésité, hein, ne crois pas que c’était facile, genre je me lève comme ça et j’appuie sur le bouton. Je me sentais comme le Président face au bouton qui déclenche la bombe nucléaire. C’est con, je sais, mais c’est comme ça je l’ai vécu.

J’ai repensé à toutes les choses qu’on s’était dites. Toutes… donc tu vois, ça fait un sacré paquet. J’ai repensé à toutes tes promesses, toutes tes excuses et puis tes mensonges encore et encore. C’était plus douloureux qu’une visite chez le dentiste mais il fallait que je les regarde bien en face sans me défiler, sans te trouver des circonstances atténuantes, pour une fois. Parce que ça je l’ai trop fait et tu en as bien profité. Je me disais que ça faisait ma grandeur d’âme de passer sur tout ça. Mais finalement, ma grandeur d’âme, elle me fait une belle jambe quand je suis à deux doigts de crever tellement je t’aime.

Finalement, je me suis dit que ce petit geste, ce tout petit geste, je me le devais à moi-même. Pour me prouver je me respectais, pour me prouver que je valais plus que ça. Plus que quelques messages à l’arrache quand Madame n’est pas dans les parages ou quand elle dort juste à côté (on en parle de respect là ou pas ?). Plus que quelques grandes phrases qui disent ‘je t’aime, je te retrouverai” mais qui s’évaporent dès qu’on te demande de faire le moindre effort. Plus que tes mensonges quand tu me fais du mal sans même t’en rendre compte. Parce tu as beau croire que toi et moi on s’aime pareil, la vie nous a bien prouvé que c’est faux. Et c’est vrai que ce n’est pas un concours. On ne devrait pas être là à comparer la taille de nos amours, ce serait ridicule. Je le sais bien. Mais n’empêche. N’empêche que mon grand amour, tu ne le mérites pas. En tous cas, tu ne le mérites plus depuis belle lurette. Parce qu’il y a une mesure, tu vois, dans ce que l’amour peut supporter. Avant je croyais en toutes ses belles idées comme quoi l’amour est plus fort que tout. Mais non, l’amour n’est pas plus fort que la peine, et il ne devrait surement pas être plus fort que le respect qu’on a pour soi-même.

J’en suis là de toutes mes grandes réflexions, le doigt toujours posé sur le curseur. J’hésite encore un peu parce que c’est dur de te laisser partir. Parce que c’est invivable l’idée que tu vas oublier, que tu vas m’oublier. Je ne sais même pas vraiment pourquoi ça m’emmerde autant cette histoire. Ce n’est pas comme tu faisais encore partie de ma vie, enfin, si, mais juste un tout petit peu, et un petit peu qui fait mal, en plus. Alors pourquoi c’est si dur de m’en débarrasser ?

Peut-être que si j’y vais apnée, ça peut marcher. Si j’arrête d’oxygéner mon cerveau pendant quelques secondes… et hop, le verdict est tombé. Bloqué. Voilà, comme ça. Ce n’était pas plus compliqué que ça. Mais ça fait quand même un mal de chien. Tu ne pourras plus m’envoyer des petits cœurs au milieu de la nuit. Ceux qui me réveillent même si mon téléphone est en silencieux. Parce que même endormie, je les sens encore, je les devine encore. J’entends encore quand tu m’appelles, même depuis l’autre bout du monde. Mais maintenant, c’est fini. Je n’entendrais plus tes appels au secours alors que tu préfères te faire sauver ailleurs, lâchement, un sauvetage de convenance. Un sauvetage qui pue l’habitude, le confort et la couardise.

Au fond, j’ai encore un peu l’espoir que tu vas te battre même si je sais par expérience que c’est surement la pire chose à faire avec toi… espérer… Mais voilà, on ne change pas du jour au lendemain. Alors, pour le moment, je la garde cette toute petite étincelle qui vibre à peine, juste assez pour ne pas s’étouffer dans le naufrage de mon cœur.

Aujourd’hui je me suis choisie moi. Il faut bien une première à tout. Je ne suis pas sûre de m’y habituer mais il n’empêche que je vais essayer. Parce qu’après tout, je me le dois bien.

 

À propos de l'auteur

Papillon

Si tu ne l’avais pas encore compris, j’adore les mots, les gros comme les petits, les mots solitaires et les longues phrases sans ponctuation. Les mots qui riment et ceux qui sonnent faux. Sur ces pages, mes mots se rencontrent. Ils se font une fiesta, avec moi et parfois même sans moi. Peut-être que tu les adoreras, peut-être que tu les détesteras. Dans tous les cas, merci d’être là.

Section commérages

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