Oublier

O

Ce soir, elle voulait juste oublier. Oublier les rides qui inlassablement grandissaient autour de ses yeux charbon, oublier le temps qui passe, la vie qui s’effiloche, toujours trop vite, toujours trop fort. Elle voulait à nouveau voir le monde dans ses yeux d’adolescente. Elle voulait sentir que tout était possible, effacer les larmes, les douleurs et les doutes de celle qui a bien trop vécu déjà pour croire encore à ses propres illusions.

Et il était là, fier, insouciant, défiant la vie, ne doutant de rien sauf de lui-même peut-être. Attablée à quelques pas, elle accroche son regard, une fois, deux fois, une nuit. Elle avait aimé son regard à la fois timide et insolent. Sa façon de fuir tout en restant à sa portée, juste à quelques pas.

Puis elle avait osé, gauchement, comme si elle avait perdu l’habitude, comme si l’enjeu était terrible. Un morceau de serviette, un numéro, glissé dans sa main d’adolescent. “Au cas où”, avait-elle dit, doucement. Au cas où, je ne sois pas si vieille finalement, au cas où, c’était sa façon à elle de laisser planer l’envie, de la faire durer, de s’en délecter.

À peine quelques secondes plus tard, elle avait aimé sentir l’impatience de sa jeunesse qui faisait briller l’écran de son téléphone dans le noir. Impertinence de la jeunesse. Vouloir tout, tout de suite. Ne pas gaspiller. C’est étrange de s’apercevoir que moins on a de temps et plus on est prompt à le laisser filer. Elle se laissait happer par sa fougue, son audace. “Viens, rejoins-moi, embrasse-moi.” Au fond d’elle-même, c’était comme un supplique. “Laisse-moi oublier, juste pour ce soir, rend-moi mon insouciance, fais-moi voler de nouveau.”

Il n’avait pas flanché, il n’avait pas lâché. Il avait l’audace, il avait la fougue. Elle voulait tout aspirer dans un baiser et ne jamais, plus jamais, les laisser s’échapper. Elle voulait s’enivrer de sa jeunesse, se délecter de son corps ferme, engloutir ses rêves et ses espoirs au moins ce soir, au moins cette nuit.

Elle aurait voulu le suivre, peu importe où. Elle aurait voulu oublier un instants ses soucis d’adulte. Elle aurait voulu lui dire “Emmène-moi, ne me lâche pas, jamais. Prends-moi que je m’oublie, le temps d’une nuit, le temps d’une vie.”

À propos de l'auteur

Papillon

Si tu ne l’avais pas encore compris, j’adore les mots, les gros comme les petits, les mots solitaires et les longues phrases sans ponctuation. Les mots qui riment et ceux qui sonnent faux. Sur ces pages, mes mots se rencontrent. Ils se font une fiesta, avec moi et parfois même sans moi. Peut-être que tu les adoreras, peut-être que tu les détesteras. Dans tous les cas, merci d’être là.

Écrit par Papillon

Papillon

Si tu ne l’avais pas encore compris, j’adore les mots, les gros comme les petits, les mots solitaires et les longues phrases sans ponctuation. Les mots qui riment et ceux qui sonnent faux. Sur ces pages, mes mots se rencontrent. Ils se font une fiesta, avec moi et parfois même sans moi. Peut-être que tu les adoreras, peut-être que tu les détesteras. Dans tous les cas, merci d’être là.

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